Les pavés du quai luisaient sous le doucereux éclairage des réverbères. Les silhouettes fantomatiques des navires étaient masquées par la brume, et d’elles ne restaient que quelques morceaux de mâture qui semblaient flotter dans les nuages. Le sifflement du vent dans les cordages emplissait l’air de vibrations aux harmonies exotiques. L’odeur d’épices dans laquelle baignaient les quais s’était estompée pour laisser place à une vague senteur de varech et de saumure, foncièrement malsaine.
Le vieillard était venu, et attendait au lieu prévu, muni d’une lanterne et de quatre armoires à glace. Voorsk les observa quelques instants, à la recherche d’un traquenard quelconque, mais l’affaire semblait avoir été menée en règles. Pour son voyage maritime, le montagnard avait troqué sa chaude garde-robe de fourrure contre de légers vêtements de lin et une cape plus ou moins imperméable, mais à l’élégance indéniable. Les préparatifs du voyage, d’ailleurs, avaient accaparé sa journée, et il sentait déjà sur ses épaules le poids de la fatigue. Il avait tout d’abord contacté quelques connaissances en mesure de lui fournir le navire, puis avait recruté un équipage plus ou moins convenable dans les tavernes miteuses de vieux port, qui suppléerait au sien dans les manœuvres nautiques.
Il entra dans le halo diffusé par la lanterne du vieillard, lui fit un signe de la main, puis se dirigea vers le point du quais où était amarré l’embarcation sur laquelle ils navigueraient.